Malgré cette déclaration, les victimes canadiennes ont été forcées de se débrouiller individuellement, famille par famille. Aucun cas n’a pu bénéficier d’un jugement en cour. Les familles ont plutôt dû se contenter d’un règlement hors cour et se soumettre à la loi du bâillon, en vertu de laquelle ils ne pouvaient discuter du montant du règlement. En bout de ligne, des montants d’une grande disparité ont été offerts en dédommagement, de sorte que des gens atteints d’un même niveau d’invalidité pouvaient recevoir des règlements variant de plusieurs centaines de milliers de dollars.
En 1987, les Amputés de guerre du Canada ont mis sur pied le groupe de travail sur la thalidomide pour obtenir du gouvernement canadien un dédommagement pour les victimes de la thalidomide nées au Canada. Étant donné que le Canada avait permis la mise en marché du médicament alors que de nombreux avertissements avaient déjà été lancés sur les effets secondaires liés à la thalidomide, et qu’il avait laissé le médicament sur le marché pendant trois mois entiers après que la majorité des pays l’avaient enlevé des tablettes, on avait le sentiment que le gouvernement du Canada avait une responsabilité morale de veiller à ce que les victimes de la thalidomide jouissent d’un dédommagement adéquat.
En 1991, le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, par l’intermédiaire de son Régime d’aide extraordinaire, a accordé de petites subventions forfaitaires de commisération aux thalidomidiens canadiens. Ces versements ont été rapidement utilisés pour couvrir certains des coûts très élevés de leurs déficiences, et pour la plupart des victimes, les montants ont été vite épuisés.
Jugeant cette situation inacceptable, et constatant de graves problèmes de dégénérescence physique et d’appauvrissement chez les survivants et survivantes de la thalidomide, en 2013, l’ACVT a mis sur pied un groupe de travail. Ce dernier était composé d’avocats, de lobbyistes, de journalistes et de survivants et survivantes de la thalidomide. En 2014, le groupe de travail a mené une campagne intensive visant à obtenir une compensation adéquate pour les victimes canadiennes de la tragédie de la thalidomide, baptisée Réparons les torts. Grâce au travail acharné des membres du groupe, la campagne a suscité l’appui du public et du gouvernement. Le 1er décembre 2014, la Chambre des Communes adoptait à l’unanimité une motion présentée par le Nouveau Parti Démocratique reconnaissant les besoins urgents des victimes de la thalidomide et le devoir du Gouvernement du Canada de soutenir ces dernières. Le Programme de contribution pour les survivants de la thalidomide a été inauguré en 2015, après consultation avec l’ACVT et des experts en la matière.
Bien qu’il ait témoigné sa sollicitude à l’égard des victimes de la thalidomide, modifié la législation en matière de contrôle des nouveaux médicaments et accordé une aide financière aux Survivants et Survivantes de la thalidomide, à ce jour, le Gouvernement du Canada n’a jamais formellement reconnu sa part de responsabilité concernant cette tragédie.