La thalidomide fut mise en marché en 1956 par Chemie Grünenthal en Allemagne de l’Ouest, d’abord comme médicament contre la grippe, puis, en 1957, comme hypnotique. Le médicament était alors disponible sans prescription. En avril 1958, la thalidomide fut commercialisée au Royaume-Uni par la Distillers Company. Des dizaines de pays emboîtèrent le pas et mirent la thalidomide en circulation, sous différentes marques. En tout et partout, la thalidomide fut vendue sous un quarantaine de noms différents, un peu partout dans le monde, principalement dans les pays occidentaux, de même qu’au Japon. De vastes campagnes publicitaires furent menées par les fabricants, à commencer par Chemie Grünenthal et Distillers Company. La thalidomide était décrite comme un médicament miracle. Des milliers d’échantillons furent distribués aux médecins et on encouragea ces derniers à prescrire la thalidomide aux femmes enceintes pour les soulager des nausées associées à la grossesse, affirmant que le médicament était totalement sécuritaire.
L’extrait suivant, tiré du site web du documentaire “NO Limits” qui se penche sur la tragédie de la thalidomide, décrit particulièrement bien à quel point la compagnie Grünenthal a été négligente à propos de la sécurité de la thalidomide:
“ Ce que le public ignorait, c’est que Grünenthal n’avait aucune preuve fiable pour étayer ses affirmations que le médicament était sécuritaire. Ils ont également ignoré le nombre croissant de rapports qu’ils recevaient à propos d’effets secondaires nocifs associés à la prise du médicament. En fait, à partir de 1959, Grünenthal était inondé de plaintes provenant de médecins à propos de lésions nerveuses allant de légères à graves et parfois permanentes, particulièrement chez les personnes âgées ayant utilisé le médicament en tant que somnifère.
[…]
La compagnie a également rejeté les préoccupations concernant les bébés malformés. Le médicament faisait l’objet d’une large promotion en tant qu’anti-nauséeux pour les femmes enceintes souffrant de nausées matinales. Lorsque confrontée à des rapports à propos de bébés malformés et aux suggestions selon lesquelles ces malformations pourraient possiblement être reliées à la Thalidomide, ils n’ont pas réagi. Plutôt que de prendre ces rapports au sérieux, Grünenthal a répondu par des mesures pour garder le médicament sur le marché.” (traduction libre)
Dès 1960, des effets secondaires insoupçonnés liés au système nerveux furent attribués à la thalidomide par certains médecins. Les premiers soupçons concernant les risques tératogènes du médicament furent évoqués en octobre 1961 en Allemagne. Il fallut attendre plus de six semaines avant que la thalidomide soit retirée des marchés britannique et allemand, respectivement fin novembre et début décembre. Il était déjà trop tard, des milliers de bébés allaient naître avec d’importantes malformations à travers le monde. D’autres autorités furent encore plus lentes à retirer le produit du marché, si bien que la thalidomide a continué d’être disponible dans certains pays jusqu’à la fin 1963.
Il est difficile de connaître avec exactitude le nombre de victimes de la thalidomide, car plusieurs bébés sont morts avant la naissance, morts-nés ou décédés peu après la naissance en raison de la gravité de leurs malformations. Ces naissances n’ont pas toutes été enregistrées en bonne et due forme, surtout considérant que plusieurs bébés thalidomidiens auraient été victimes d’infanticide. Le nombre d’enfants nés avec des malformations dues à la thalidomide à travers le monde est estimé à 15 000. Au nombre des victimes figurent également les familles de tous ces enfants, dont les vies ont été gravement affectées par cette tragédie.
Peu de temps après, de nouveaux effets thérapeutiques ont été découverts à la thalidomide, qui se révéla efficace notamment dans le traitement ou le soulagement de la lèpre, du lupus érythémateux disséminé et de certains cancers. Le médicament est aujourd’hui autorisé dans plusieurs pays pour ces usages. Pour en savoir plus sur les usages actuels de la thalidomide, cliquez ici.