Qu’est-ce que la thalidomide?

Histoire de la thalidomide

La thalidomide est un médicament sédatif apparu à la fin des années 50, qui fut à l’origine d’une tragédie d’envergure mondiale. Le médicament a notamment été prescrit à de nombreuses femmes enceintes afin de combattre la nausée du matin. Il fut plus tard révélé que le médicament causait des ravages irréversibles au foetus et des milliers d’enfants naquirent ainsi avec de graves malformations. Plusieurs de ces enfants ne survécurent pas plus de quelques jours après leur naissance. Pour l’historique détaillé de la tragédie canadienne de la thalidomide, cliquez ici.

La formule chimique de la thalidomide est C13H10N2O4 et elle est également connue sous le nom plus scientifique α-(N-Phthalimido)glutarimide.

La thalidomide fut synthétisée en 1954 en Allemagne de l’Ouest par la firme allemande Chemie Grünenthal, qui lui trouva des effets sédatifs. La thalidomide se présentait comme une alternative prometteuse aux barbituriques utilisés alors comme sédatifs, car elle ne semblait pas toxique et ne semblait pas non plus causer d’effet secondaire. De plus, une surdose de thalidomide n’entraînait qu’un sommeil profond, contrairement aux barbituriques qui pouvaient causer la mort lorsque pris en quantité excessive.

Molécule de thalidomide

La thalidomide fut mise en marché en 1956 par Chemie Grünenthal en Allemagne de l’Ouest, d’abord comme médicament contre la grippe, puis, en 1957, comme hypnotique. Le médicament était alors disponible sans prescription. En avril 1958, la thalidomide fut commercialisée au Royaume-Uni par la Distillers Company. Des dizaines de pays emboîtèrent le pas et mirent la thalidomide en circulation, sous différentes marques. En tout et partout, la thalidomide fut vendue sous un quarantaine de noms différents, un peu partout dans le monde, principalement dans les pays occidentaux, de même qu’au Japon. De vastes campagnes publicitaires furent menées par les fabricants, à commencer par Chemie Grünenthal et Distillers Company. La thalidomide était décrite comme un médicament miracle. Des milliers d’échantillons furent distribués aux médecins et on encouragea ces derniers à prescrire la thalidomide aux femmes enceintes pour les soulager des nausées associées à la grossesse, affirmant que le médicament était totalement sécuritaire.

L’extrait suivant, tiré du site web du documentaire “NO Limits” qui se penche sur la tragédie de la thalidomide, décrit particulièrement bien à quel point la compagnie Grünenthal a été négligente à propos de la sécurité de la thalidomide:


“ Ce que le public ignorait, c’est que Grünenthal n’avait aucune preuve fiable pour étayer ses affirmations que le médicament était sécuritaire. Ils ont également ignoré le nombre croissant de rapports qu’ils recevaient à propos d’effets secondaires nocifs associés à la prise du médicament. En fait, à partir de 1959, Grünenthal était inondé de plaintes provenant de médecins à propos de lésions nerveuses allant de légères à graves et parfois permanentes, particulièrement chez les personnes âgées ayant utilisé le médicament en tant que somnifère.

[…]

La compagnie a également rejeté les préoccupations concernant les bébés malformés. Le médicament faisait l’objet d’une large promotion en tant qu’anti-nauséeux pour les femmes enceintes souffrant de nausées matinales. Lorsque confrontée à des rapports à propos de bébés malformés et aux suggestions selon lesquelles ces malformations pourraient possiblement être reliées à la Thalidomide, ils n’ont pas réagi. Plutôt que de prendre ces rapports au sérieux, Grünenthal a répondu par des mesures pour garder le médicament sur le marché.” (traduction libre)


Dès 1960, des effets secondaires insoupçonnés liés au système nerveux furent attribués à la thalidomide par certains médecins. Les premiers soupçons concernant les risques tératogènes du médicament furent évoqués en octobre 1961 en Allemagne. Il fallut attendre plus de six semaines avant que la thalidomide soit retirée des marchés britannique et allemand, respectivement fin novembre et début décembre. Il était déjà trop tard, des milliers de bébés allaient naître avec d’importantes malformations à travers le monde. D’autres autorités furent encore plus lentes à retirer le produit du marché, si bien que la thalidomide a continué d’être disponible dans certains pays jusqu’à la fin 1963.

Il est difficile de connaître avec exactitude le nombre de victimes de la thalidomide, car plusieurs bébés sont morts avant la naissance, morts-nés ou décédés peu après la naissance en raison de la gravité de leurs malformations. Ces naissances n’ont pas toutes été enregistrées en bonne et due forme, surtout considérant que plusieurs bébés thalidomidiens auraient été victimes d’infanticide. Le nombre d’enfants nés avec des malformations dues à la thalidomide à travers le monde est estimé à 15 000. Au nombre des victimes figurent également les familles de tous ces enfants, dont les vies ont été gravement affectées par cette tragédie.

Peu de temps après, de nouveaux effets thérapeutiques ont été découverts à la thalidomide, qui se révéla efficace notamment dans le traitement ou le soulagement de la lèpre, du lupus érythémateux disséminé et de certains cancers. Le médicament est aujourd’hui autorisé dans plusieurs pays pour ces usages. Pour en savoir plus sur les usages actuels de la thalidomide, cliquez ici.

Principaux risques et effets secondaires associés à la thalidomide

Névrite périphérique

La névrite périphérique est une forme de lésion nerveuse pouvant se produire chez la personne qui prend de la thalidomide. La névrite périphérique peut se manifester n’importe où dans le corps. Elle commence par une sensation de picotement ou de fourmillement dans les mains ou les pieds, et c’est suivi de sensations d’engourdissement et de froid. Cet engourdissement s’étend et est suivi de graves crampes musculaires, de faiblesses des membres et d’un manque de coordination. Certains des symptômes peuvent s’améliorer ou disparaître lorsque la source du mal est éliminée, mais le dommage dans certains cas est irréversible.

Il est recommandé aux patients qui consomment de la thalidomide de cesser immédiatement la médication et de communiquer avec leur médecin s’ils ressentent les premiers symptômes liés aux lésions nerveuses, notamment des brûlures, des engourdissements ou un fourmillement dans les bras, les mains, les jambes ou les pieds.

Atteintes au foetus

Voici une liste non exhaustive des effets que peut avoir la thalidomide sur le foetus lorsque que ingérée par la femme enceinte : membres bilatéraux raccourcis (jambes / bras / tous les quatre), un phénomène connu sous le nom de phocomélie, membres bilatéraux manquants (amélie), doigts ou orteils manquants, palmature des doigts ou des orteils, doigts ou orteils en trop, perte auditive partielle ou totale, perte visuelle partielle ou totale, paralysie (habituellement les muscles faciaux), malformation du tube digestif, malformation du duodénum (un problème le plus souvent fatal avant ou peu après la naissance), malformation ou absence d’anus, lésions des principaux organes (un problème le plus souvent fatal avant ou peu après la naissance), mort.

En raison des effets dévastateurs susmentionnés, la thalidomide est strictement contre-indiquée chez toute femme enceinte ou à risque de le devenir.

Vous trouverez plus d’informations sur les malformations congénitales causées par la thalidomide sous l’onglet Malformations congénitales.

Pour plus d’informations sur les risques et effets secondaires associés à la thalidomide, visitez la page de Santé Canada dédiée au médicament THALOMID.

Bébé atteint de phocomélie des 4 membres.

Mécanisme de la thalidomide

Encore à ce jour, le mécanisme par lequel la thalidomide cause des malformations au foetus n’est pas confirmé. Il existe cependant certaines hypothèses relatives à son fonctionnement sur l’organisme, lesquelles ont été publiées par des chercheurs dans différentes revues. Comme il s’agit d’articles de nature scientifique dont le style de rédaction est plutôt technique, vous trouverez ces références dans la section Publications de notre site web, sous la rubrique « Articles scientifiques et universitaires ».