La thalidomide est un médicament tératogène, c’est à dire que lorsque prise par une femme enceinte, celle-ci peut avoir un terrible impact sur le développement du foetus, lui causant des dommages irréversibles.
La phocomélie, une atrophie des membres, est la plus courante des malformations associées à la thalidomide, mais cette dernière n’en est pas l’unique cause. Cependant, en raison de la notoriété de la tragédie de la thalidomide, bien des gens ont commencé à l’associer exclusivement à cette dernière. En effet, on dit maintenant de ceux qui sont affectés par la phocomélie qu’ils sont «comme des thalidomidiens», ce qui donne à penser, à tort, que la thalidomide est en cause.
Avant de déduire que la thalidomide est la cause d’une déficience, peu importe la date de naissance, les gens devraient envisager les autres causes possibles. En effet, en poussant les recherches, on se rend compte que beaucoup de troubles ont été attribués à tort à ce médicament. Dans certains cas, certains experts sauront faire la différence, mais dans d’autres cas, la chose sera très difficile.
L’identification des déficiences découlant de la thalidomide a été un processus pénible et déroutant. Certains pays et compagnies pharmaceutiques ont mieux réussi que d’autres, mais bon nombre n’ont pas su vérifier que chaque requérant était véritablement une victime de la thalidomide.
Selon le Dr. Widukind Lenz, un médecin allemand qui fut l’un des premiers à reconnaître les effets tératogènes de la thalidomide, les malformations que l’on observe chez les thalidomidiens et thalidomidiennes figurent parmi les suivantes:
Le Dr. Lenz poursuit ainsi:
“ La thalidomide peut causer des malformations très différentes chez différents enfants. L’un naîtra sans oreilles externes, affecté de surdité et de paralysie aux muscles des yeux et du visage, mais avec des membres normaux. Chez l’autre, les oreilles seront normales, mais les bras seront absents. Ou encore, l’enfant aura les bras gravement raccourcis avec seulement deux ou trois doigts et ce, souvent accompagné de malformations internes. Dans un autre cas, les pouces auront anormalement trois phalanges, avec un possible rétrécissement de l’anus.”
Individuellement, le type de malformation causée par la thalidomide dépend du moment de la prise du médicament. En règle générale, la thalidomide n’aura pas de conséquences si elle est utilisée avant le 34e jour ou après le 50e jour suivant les dernières règles de la mère. La période s’écoulant du 35e au 50e jour de grossesse est extrêmement sensible, car c’est à ce moment que le foetus développe ses membres et ses organes.
Toujours selon le Dr. Lenz, si la thalidomide est prise tout au long de la période sensible, les dommages pourront affecter gravement les oreilles, les bras, les jambes et les organes internes, et mener souvent à une mort précoce. Étant donné la gravité des ravages causés par la thalidomide, près de 40 % des bébés thalidomidiens décèdent avant leur premier anniversaire.
Les malformations liées à la thalidomide sont assez caractéristiques pour un oeil averti, mais elles peuvent facilement être confondues avec des malformations associables à une autre cause. Smithells et Newman ont fait un exposé détaillé des malformations attribuables à la thalidomide, dont nous reproduisons le sommaire ci-dessous. Il est intéressant de noter que dans la plupart des cas résultant d’agents tératogènes, les malformations se produisent de façon symétrique, puisque les deux côtés du corps se développent de façon simultanée.
Épaule : hypoplasie (développement insuffisant) des muscles de l’épaule, de l’omoplate et de la clavicule.
Bras : absence totale, articulation acromio-claviculaire proéminente.
Bras supérieur : malformation de l’humérus raccourci (extrémité supérieure).
Coude : fusion huméro-cubitale, radio-cubitale.
Avant-bras : malformation radio-cubitale et membre raccourci.
Main : malformations habituellement reliées à celles de l’avant-bras (accentuation préaxiale, main bote radiale).
Doigts : absence de doigts, hypoplasie, difformité en flexion fixe, syndactylie (accentuation préaxiale).
Pouce : absence de pouce, hypoplasie, trois phalanges, position non opposée aux doigts.
Hanche : luxation congénitale.
Haut de la cuisse : malformation du fémur raccourci (extrémité supérieure).
Genou : luxation de la rotule.
Bas de la jambe : malformation du tibia-péroné raccourci.
Pied : malformations habituellement reliées à celle de la jambe (exemple : pied bot).
Orteils : polydactylie, orteils bifides (accentuation préaxiale).
Faciès caractéristique dans certains cas.
Naevus facial central, qui s’estompe en l’espace de deux ans.
Yeux : anophthalmie, microphthalmie, colobome de l’iris/de la rétine, kyste dermoïde conjonctival.
Oreilles : anotie, microtie, pavillons accessoires; atrésie, sténose, tortuosité du conduit auditif externe.
Neurologie : paralysie faciale, mouvements oculaires restreints, syndrome des larmes de crocodile.
Souvent petite en raison d’une faible croissance/ostéochondrite de la colonne vertébrale/cyphose progressive.
Organes génitaux externes
Hypoplasie du scrotum/des lèvres avec graves déficiences des membres inférieurs.
Plusieurs personnes affectées par la thalidomide sont aux prises avec divers problèmes de développement neurologiques : handicap mental, dyslexie, autisme ou épilepsie. Ces problèmes semblent indiscernables des mêmes troubles éprouvés par les gens non affectés par la thalidomide, sauf qu’ils se produisent plus souvent que la moyenne et que, par conséquent, on a fini par attribuer au médicament lorsqu’ils sont associés à d’autres éléments plus caractéristiques.
Sommaire des malformations internes liées à la thalidomide
Coeur : Persistance du canal artériel, VSD, ASD et sténose pulmonaire chez les survivants. On a vu des lésions complexes, spécialement conotronculaires, parmi les premiers qui sont décédés.
Voies urinaires : absence de voies urinaires, voies ectopiques, hypoplasiques, reins tournés, hydronéphrose, méga-urètre, urètre ectopique, reflux anormal d’urine vésicale vers les uretères, vessie inerte.
Voies génitales : cryptorchidie, testicules petits ou absents, kyste hydratique de Morgagni; atrésie vaginale, interruption des trompes utérines, utérus bicorne.
Tube digestif : atrésie duodénale, sténose du pylore, hernie inguinale, imperforation anale avec fistule, sténose ano-rectale, anus antérieurement déplacé ( on a dénoté une absence d’appendice et de vésicule biliaire lors de l’autopsie).
Malformations facio-bucco-linguales : fente palatine, voûte palatine ogivale, paralysie palatine, atrésie choanale, petits mandibules, affections dermoïdes conjonctivales; dents absentes ou surnuméraires ou malocclusion.
Malformations squelettiques : agénésie sacrée, hémivertèbres, anomalies des côtes.
Problèmes neurologiques de développement : handicap mental, épilepsie, dyslexie, dysphasie réceptive, troubles du comportement (y compris l’autisme et l’instabilité) et les mouvements involontaires. Certaines de ces anomalies ont été enregistrées seulement une ou deux fois, et leur association avec la thalidomide peut être une coïncidence, mais la plupart des anomalies énumérées ont été constatées plus fréquemment que ce à quoi on pourrait s’attendre selon les probabilités.
Pour une description plus détaillée et technique des malformations liées à la thalidomide, nous vous invitons à consulter l’article complet publié par Smithells et Newman, que vous pouvez télécharger ci-dessous.
Voici maintenant une liste (avec de brèves définitions) de certains des troubles les plus courants qu’on attribue à tort à la thalidomide. Il va de soi que les descriptions sont très techniques – ce qui en rend la lecture aride, mais il est important que ces troubles soient présentés de cette façon afin d’éviter toute interprétation erronée. L’article de Smithells et Newman aborde ces diagnostics différentiels plus en détail.
Pour compliquer le tableau davantage, d’autres publications médicales offrent des exemples d’enfants qui semblent afficher une combinaison de caractéristiques de plus d’un syndrome, comme le syndrome de Mœbius et l’anomalie de Poland. Seules la spéculation et des recherches supplémentaires permettraient de déterminer si ces enfants souffrent de deux syndromes distincts, d’un syndrome entièrement différent ou une manifestation «intermédiaire» inhabituelle.
Il existe de nombreux syndromes ou troubles qu’on a finalement découverts. Avec les progrès incessants dans le domaine de la génétique, il est probable que nous en découvrirons beaucoup d’autres qui nous aideront à mieux comprendre l’avenir. L’objet de cette courte liste était de démontrer qu’un grand nombre de «traits» les plus couramment associés aux malformations découlant de la thalidomide peuvent être observés ailleurs ensemble ou séparément. C’est souvent au patient de fournir au docteur (généticien) le nom d’un trouble à partir duquel entreprendre les recherches dans la bonne direction. Il est toutefois plus important encore d’avoir un diagnostic JUSTE qui permet d’obtenir le bon traitement et de produire la bonne information.